Mercredi, le mechant clown chanteur a déversé son petit theatre charognard sur la scène du Casino Theatre. Ambiance.

Voix de Fête, Casino Théâtre, mercredi, 21 h 30. Le rideau s’écarte. La purge commence. On a tous un peu de Didier Super qui sommeille en nous. De la méchanceté à revendre, de la haine inassouvie. Du moins, voilà ce qu’il y a dans le miroir que tend au public le chanteur français. Un clown plutôt, en ce qui concerne son dernier spectacle, Ta vie sera plus moche que la mienne. Des poupées gonflables pour faire dialoguer le juif et le musulman, des faux seins pour faire la parturiente, des petits noirs affamés découpés dans du papier, et pire encore.

«Bonjour, toi! Mais qu’est-ce t’es moche!» Ça a démarré ainsi, dans une sorte de stand up en logorrhée continue, un excès amenant l’autre, le trop plein en guise de règle, la dérision en guise d’arme absolue. Droit dans le mille, droit dans la bêtise. C’est le ton badin, jeté, abruti, dégoulinant de bêtise, qui nourrit la dramaturgie. Voilà un petit conte acidulé, l’histoire de Ludovic, qui reçoit un jour ce mail de Monique Ledoux, cancéreuse en phase terminale, riche de «sept cents mille milliards de dollars américains gardé dans une banque du Burkina Faso». Trente ans après Michel Leeb, Didier Super ose le pseudo accent africain. «Ce spectacle devient consternant.»

Didier Super, c’est ce petit théâtre charognard, une heure de racisme débridé, de xénophobie décomplexée, de violence verbale, de mauvaise foi. Affreux reflet balancé sans façon dans la gueule de l’auditoire, dont l’un des nombreux climax (on ne sait plus trop où va la pièce, tant il y en a dans l’indigeste volontaire) consiste à foncer sur le public, masque de guenon sur la tête, tronçonneuse vrombissant dans les mains. Et le Casino Théâtre, débordant de toutes part, qui rit et rit encore.

Ils font des «oooh», des «aaah», s’offusquent avec délectation, s’esclaffent de plus belle. Surtout, évidemment, lorsque Didier Super s’en prend au voisin de siège, expiateur éphémère sacrifié en guise de spectateur générique. «Il y a des violeurs dans la salle? Sur 500 personnes, il doit forcément y avoir quatre ou cinq violeurs… Tiens, toi, t’a une belle gueule de taulard!» Ah, les salauds!

De l’outrance, de l’outrage, voilà qui détonne dans le paysage. Encore faut-il qu’il y ait du public. Tout ou presque est plein en ce début de festival. Qui sont-ils, ces spectateurs se baladant du Chat Noir à l’Usine, ces gens qu’on a vu mercredi pénétrer gaillardement le Casino Théâtre? Du public de Didier Super, une majorité connaissait déjà le coquin. Ils ont 40 ans, 50 ans, semblables en âge aux fans de Katerine, lundi à l’Alhambra. Vous avez aimé, Madame? «Oh, putain, j’adore!» (TDG)

Fabrice Gottraux